La menace d’un dérèglement climatique nous force à reconsidérer les relations entre nature et technique. Depuis cette question de seconde nature, s’ouvre celle, économique, de l’exploitation outrancière de la biosphère comme ressource et de sa gestion en tant que bien commun, elle-même mise en tension entre actions politiques et alliances vitales.
Le développement économique est lié depuis toujours à l’accapparement de terres, de forêts et à l’imposition d’une logique d’enclosure, de privatisation reposant sur la disruption sociale et la violence. Sa forme capitaliste et néolibérale se heurte aux limites planétaires et les épuise. Son inadéquation, devenue palpable aussi bien dans la qualité de l’air que dans celle de nos relations, nous invite urgemment à imaginer une comptabilité différente du seul calcul de PIB et de nouvelles formes de gouvernance. Ainsi, la prospérité pourrait se comprendre en termes de bonne fortune commune et de buen vivir. Elle prendrait en compte, reconnaîtrait et s’accorderait à la singularité des mondes et des cosmos.
La proposition de design spéculatif Sylvacoin vise une cryptomonnaie qui comptabiliserai les valeurs des arbres et cadrerai gestion et financiarisation de leurs services écosytémiques. L’aménité de la recherche artistique permet d’ouvrir le pari que l’économie, entendue ici comme soin et comme création de valeur, est un levier d’action politique en tant que puissance d’émergence de récits crédibles. Toute économie, même la pire, est une fiction spéculative. La prétendue valeur d’un bien, d’un service ou d’une entreprise s’engendre par la persuasion de sa narration, fiction qui génère de la croyance dans les futurs que promet le marché. La finance, comme forme pratique de storytelling qui colonise nos futurs sous forme de dettes exponentielles, insolvables et mortifères, nous invite à inventer de meilleures histoires. Sylvacoin pointe l’établissement à venir de la Forêt comme une valeur refuge, car en définitive c’est là que nous trouv(er)ons refuge.
Les intervenant(e)s de Devenir forêt proposent, depuis la pluralité de leurs pratiques et de leurs terrains, de s’outiller pour interroger la complexité du moment : établir de nouvelles cartes de navigation, penser la régénération et la restauration, relativiser les modèles, imaginer la ville par l’arbre, interroger la décentralité, abolir ou assumer pleinement le coût des frictions, apprendre la sobriété, économiser ses forces, se réjouir du partage des valeurs, différer la dépense, tweaker les métriques, contempler la richesse biodiverselle, rêver les solidarités résilientes, et se laisser sereinement traverser de forêt et de mer.
Pour des raisons qui nous échappent, les interventions auront lieu en distanciel, sur inscription.
Une proposition de Christian Bili, en résidence d’un an à Utopiana.